A tous ceux, et ils sont nombreux, qui critiquent Apple, je voudrais dédié ce petit (c’est pas vrai il est plutôt long…) article qui nous montre quelques uns des GROS travers d’Apple. Cependant, ce qui est reproché ici à notre marque préférée, ne concernent en rien les choix techniques (hard et soft), ni même les prix (n’en déplaise à certains), mais plutôt la démarche commerciale en direction du monde des sociétés, petites ou grandes.
Nous sommes bien loin des petites comparaisons des processeurs, de tailles d’écrans ou de qualité des plastiques des boîtiers, surtout que ceux des Macs sont majoritairement en alu. 🙂
Voilà des vrais problèmes à traiter, et des méthodes à modifier radicalement pour les équipes commerciales. Mais bien entendu cela passe par un changement du positionnement d’Apple, et pour l’instant, en Europe au moins, Steve Jobs ne semble pas encore se diriger dans cette voie.
Article de MacGénération du 26/05/2010. Je n’ai rien touché au texte, je me suis juste permis de supprimer les photos qui étaient ajoutées, et ce afin de limiter la taille du “papier”, électronique bien sûr.
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La firme à la Pomme est-elle confrontée à une fin d’adolescence difficile ? Dans les couloirs des salons professionnels et chez ses partenaires détaillants, la sédition gronde. Le succès que rencontrent ses logiciels et matériels auprès du grand public transpire aussi côté entreprises et administrations. Le problème, c’est que si Apple sait vendre des produits, ces clients demandent quant à eux des offres d’intégration. Suffisantes, hautaines, faiblement collaboratives, les équipes d’Apple sont fortement décriées, du moins en France. Un réflexe gaulois ? Pas sûr. Pour contenter ces clients, la firme californienne doit accepter de mûrir socialement.
Des ventes qui se font toutes seules
Valeur, intégration, personnes d’exception, innovation et facilité d’utilisation. Le moteur d’Apple est bien rodé : l’entreprise fait principalement confiance à ce qu’elle contrôle pour vendre ses produits. Son savoir-faire repose finalement sur sa maîtrise des ingrédients qui composent la recette de son succès : l’intégration de hautes technologies et le marketing des produits. De l’approvisionnement à la préparation, de l’emballage à la présentation puis à la vente, du dernier produit aux discours commerciaux, des règles d’exposition au design des magasins, tout est calibré, normé, standardisé, formaté. L’expérience client doit précéder l’expérience utilisateur.
Ce fonctionnement est d’ailleurs résumé par le refrain de Steve Jobs lors de ses Keynote : “It’s the best product ever” (“c’est le meilleur produit jamais fait”). Tout est dit : grâce à la belle histoire qui accompagne ledit produit, celui-ci se vendra tout seul. Et ça marche : pour les vendeurs et les revendeurs, ce script et ce processus facilitent les ventes en magasin. Cette attitude se comprend quand on vend des produits et une image. Mais elle est difficile à soutenir quand il s’agit de proposer des solutions et de l’intégration.
C’est bien le problème auquel la firme américaine et ses équipes locales sont aujourd’hui confrontées. Jusqu’à présent, l’entreprise jouait sur son côté “fun, music and (i)life”. Mais sa croissance rapide, son nouveau magnétisme, et le fait qu’elle vienne écraser les orteils de concurrents sérieux sur les marchés de la distribution de contenus, de la téléphonie ou encore de l’électronique grand public, la font entrer peu à peu dans la cour des grands. Et là, le fun, la musique, et les contenus numériques ne suffisent pas pour séduire. Surtout quand ce sont les entreprises ou les institutions qui viennent vous chercher.
Une bonne dose de suffisance
“L’attitude des représentants d’Apple ne donne pas du tout envie de travailler avec eux. J’ai essayé de prendre contact avec leurs équipes, mais personne n’est revenu vers moi, ni après un rendez-vous, ni après un mail de rappel. Je représente pourtant une opportunité de plusieurs centaines de machines au sein de l’organisation à laquelle j’appartiens“.
Ce témoignage, obtenu sous couvert d’anonymat, n’est pas le seul issu des rangs de prospects et même de fidèles clients professionnels d’Apple. Au détour des salons dans l’hexagone, dans les rencontres professionnelles, les preuves d’une certaine défiance envers Apple s’accumulent. Et il ne s’agit plus de réactions de clients ayant des inquiétudes sur la compatibilité, les virus, l’intégration ou le nombre de logiciels sur Mac. Non, ce qui choque les “gros clients”, actuels ou potentiels, relève plus du défaut de prise en compte de leurs problématiques, de l’absence de contact humain, et de relation sociale.
“Les commerciaux auxquels nous avons eu à faire nous ont fait de très belles présentations, mais ça s’est arrêté là. Ils ne sont pas allés jusqu’au bout de la vente, alors qu’ils nous avaient fait saliver, que nous y étions prêts, et que nous avions fait venir les responsables de toute notre région. Ils s’attendaient sans doute à ce que le marché leur tombe tout cuit dans le bec après un beau Keynote. Nous avons eu l’impression qu’il nous fallait adhérer à ce qui nous était proposé sans autre forme de procès. Nos investissements précédents n’avaient plus d’importance“.
Avec des réactions de ce type, le marché de l’entreprise et des institutions n’est pas prêt de tomber. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’on entend par entreprise. Il ne s’agit pas ici de servir de petites structures ou des marchés de niche, où les dirigeants succombent au design des produits. Pour eux, l’approche grand public d’Apple fonctionne déjà. Après tout, il ne s’agit que d’une déclinaison de l’actuelle communication de la firme. Autodesk l’a bien compris qui porte certaines de ses applications, dont son célèbre AutoCAD, application phare de CAO et pour les architectes, sur la plate-forme d’Apple. Cupertino ne se méprend pas non plus, qui dote ses Apple Store américains de spécialistes formés pour répondre aux besoins des entreprises, plutôt celles de petite taille. Un signe, au passage, qui devrait d’ailleurs alerter les revendeurs en Europe.
Ce n’est pas la même histoire dès lors que les organisations dépassent les 50 personnes, et s’étendent géographiquement ou transversalement. Le peu de présence d’Apple dans les grandes entreprises en France, en dehors de quelques départements ou de marchés spécifiques en est un témoin retentissant. La faible présence de solutions sur les marchés d’État ou des collectivités territoriales ne vient que compléter un tableau où la firme fait preuve de peu de dynamisme. Même si Tim Cook, le vice-président en charge des opérations, martèle à qui veut l’entendre que ce sont les “clients grand public les meilleurs représentants d’Apple dans les entreprises“, les revendeurs et les équipes de la Pomme prennent rendez-vous sur rendez-vous auprès de grosses organisations pour caser des palettes de Mac. Et les grosses organisations elles-mêmes se rapprochent depuis peu d’Apple. L’iPhone et l’iPad sont passés par là…
“Il s’agit d’un marché de solutions et non de produits“, détaille pourtant l’acheteur d’une administration, en pleine négociation avec un revendeur Apple. “Nos organisations ont besoin d’une approche pragmatique, détaillée, et sans doute complexe de leurs besoins. Elles n’ont que faire qu’on leur propose des “produits”, en tant que tels, même si certains utilisateurs de nos entités en font une demande pressante. Malgré sa taille conséquente, le revendeur Apple auquel je m’adresse n’est pas en mesure de me proposer une approche ‘solution’ à la problématique que je lui présente. Il a du mal à sortir du discours formaté de l’approche produit ‘à la Apple’, qui relève beaucoup plus de l’informatique de papa des années 90. C’est peu digne d’une société qui vante pourtant les mérites de l’innovation et de l’intégration. Quant à se rapprocher du siège français d’Apple, ce n’est pas une solution : nos précédentes expériences nous ont montré leur faible suivi. Nous voulons pouvoir compter sur une équipe locale qui soit capable de nous suivre“.
Pour les revendeurs aussi, la coupe est pleine
La critique ne vaut pas seulement pour les clients ou les prospects. Les revendeurs Apple aussi ont conscience que leurs demandes ne sont pas considérées, dès qu’il s’agit de servir un gros client. “L’une des équipes d’Apple France est carrément en dessous de tout“, lâche quelque peu désabusé l’un des revendeurs spécialisés. “Ils nous ont tout fait : faible anticipation, absence de réactivité, promesses non tenues, quand ce n’est pas absence de contact ou de cotation. Même s’ils se taisent, tous nos confrères en sont d’accord. Sur les iPad, la demande d’entreprises et d’institutions est intéressante, alors que le produit n’est pas sorti en France. Je veux bien qu’Apple veuille freiner des ventes dont elle n’a pas anticipé l’ampleur, mais en attendant nous n’avons aucun détail sur ce que nous pouvons proposer en terme d’intégration à ces gros clients, qui se font de plus en plus pressants, et qui ont de vrais projets. Pour parachever ce tableau, les relations avec le siège sont inexistantes : la personne chargée de nous suivre à Apple France n’a appris notre existence qu’après que nous ayons obtenu un résultat politique significatif“.
La question n’est en fait plus de savoir si les grands comptes institutionnels ou les entreprises sont des cibles pour Apple, mais bien de construire des offres pour ces clients qui s’intéressent de plus en plus aux solutions frappées d’une pomme. Un cadre dirigeant d’EDS France, une société de services spécialisée dans la gestion des infrastructures et la transformation des systèmes d’information, avait parfaitement bien résumé le dilemme, avant que cette société ne soit rachetée par HP. “Apple ne parviendra à faire pénétrer ses offres dans les entreprises ou les administrations qu’à la marge. Celles-ci ont réalisé un tel empilement de technologies, qu’elles recherchent avant tout des solutions capables de les libérer de cette complexité et d’alléger le coût de leur poste client. Le Mac ne ferait qu’ajouter de la complexité. En revanche, les terminaux mobiles ou portables, avec leur capacité d’accéder les systèmes d’information de n’importe quel endroit sur Terre, et qui peuvent aussi devenir un poste de travail à faible coût, représentent une porte d’entrée à privilégier. À condition qu’Apple sache l’intégrer à l’existant.“
Une offre en devenir ?
L’attitude réputée suffisante des équipes d’Apple France n’est pas un phénomène local. Il s’agit d’une caractéristique de l’entreprise qui semble cacher une absence de savoir-faire. Avec le recul, il aura fallu les dernières 10 années pour que le mécanisme de vente au grand public soit bien rodé. Côté grands comptes en revanche, tout reste à inventer.
Difficile pour la firme de refuser de vendre. Surtout à des clients qui considèrent que ses solutions répondent à une problématique réelle. L’actuelle attitude d’Apple n’est, sans doute, qu’un phénomène intrinsèquement lié à sa nature, à son histoire, à sa vision, à son éthique, à son stade ainsi qu’à son mode de développement. L’état actuel d’Apple ressemble à s’y méprendre à l’adulescens des Romains antiques, ou étymologiquement “celui qui est en train de croître” et qui a encore des choses à apprendre.
Sans doute Apple est-elle parvenue à ce stade difficile où il lui faut apprendre à ne pas seulement avoir une communication à sens unique, maîtrisée par ses spécialistes du marketing. Peut-être faudrait-il qu’elle commence à entretenir des relations sociales avec les organisations qui la courtisent, afin de comprendre leurs besoins et qu’elle apprenne à concevoir, construire et faire tourner des offres qui leur seraient adaptées.
Difficile de croire qu’Apple, qui a laissé ses utilisateurs promouvoir ses solutions au sein des entreprises ou des administrations, ne prenne pas la balle au bond. Mais dispose-t-elle réellement des ressources internes ?
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Voilà un bon sujet de débat !!!